CARNETS LIBRES (18+)

Hôpital de jour, gériatrie. Ça paye pas de mine, mais le personnel est cordial comme dit ma mère.

Une beauté rare. Elle habitait le quartier chic d'à côté. Vêtements griffés, cheveux dorés, teint lumineux, une splendeur aurait dit DSK. La première fois que je l'ai croisée elle a ri  de moi quand j'ai posé mon regard sur elle. Malaise. Elle a continué son chemin d'un pas martial en se racontant des histoires à haute voix. Par la suite elle me voyait venir de loin, le sourire fendu et  l'oeil fou. À quelques occasion, j'ai aperçu  que je n'étais pas le seul à tomber dans le piège de cette beauté fêlée. Triste pour elle.  

On était 4 garçons et ma mère à toujours travaillé, ce qui nous a fait une mauvaise réputation dans le voisinage. On a eu des gardiennes et un gardien: Gilbert.On l'haïssait   parce que un, il était couvert de boutons et que deux, il était autoritaire. Pas comme la douce madame Ouellet. Ci-contre : la fois ou on a laissé des pétards à mèche sur les ronds de poêle puis qu'on avait mis à high. Gnack, gnack, gnack! 

Canadien National et frissons. L'été on aimait se cacher entre les poutrelles d'acier de la voie ferrée qui enjambait le ruisseau. On cuisait là en attendant, dans  les   émanations du créozote et du diesel. Puis on  entendait le train. On hurlait à mort, le vacarme était dément, tout tremblait, kataklang, kataklang, kataklang, kataklang! Puis c'était fini, le rythme s'évanouissait. On entendait de nouveau couler le ruisseau et le son des insectes. Je rentrais à l'heure du souper, ma mère, encore en robe de chambre, trouvait que j'avais pris du soleil, ça lui faisait plaisir.

Place du Canada Il y avait cette petite famille de communistes, papa, maman, bébé. Vraiment, la fête de tous! Les cris, la musique, les rencontres, les rires, on y est! La grosse tête en papier mâché, hideuse et drôle, merci M Charest! Certains étaient très jeunes, 12-13 ans, légèrement intimidés. On marche sur Sherbrooke, chansons, cris, clameur et observateurs... Hélicoptère stationnaire, insecte surréel. Puis je dois quitter, St-Laurent est calme, dans l'autobus c'est la vie de tous les jours, je rencontre mon ami Roger, les yeux poqués, il vient de se faire opérer.

On avait un pont du CN comme terrain de jeu. Il enjambait la rivière Des prairies. Des fois on descendait sur les piliers et on regardait le courant noir et visqueux. Je m'imaginais des bébés morts, des squelettes et des rats géants dans les tourbillons et les remous. Puis on revenait à la maison, les joues rosies par le grand air.

Membre de la communauté des fumeurs qui se tiennent devant les arénas. Derniers entrés, premiers sortis.

C'était une voisine, la grosse bonne femme d'à côté de M Tremblay. Elle gardait ma fille depuis qu'elle avait six mois, puis elle a déménagé rue St Denis et nous dans l'ouest. Je faisait la navette soir et matin parce que entre Matante Dédé et ma fille c'était la fusion. Elle a voulu faire percer les oreilles à la petite mais je l'ai arrêtée à temps, ma fille était son trophée, sa poupée. Un soir d'automne j'ai trouvé la famille dans la cuisine éclairée par la télé n/b en train d'écouter un quiz pendant le souper. Je me suis dit que l'expérience avait assez durée, surtout que ma fille était rendue à faire des manières pour ne pas aller au litte comme elle disait maintenant.

7-8 ans, journée d'été. Les gars  s'ennuyaient un peu. Puis le plus vieux a eu l'idée d'aller jouer dans le coffre à costumes de sa soeur. Hey les gars si on se déguisait en femmes! Ouais bonne idée! Et il sont disparus. Quand ils sont revenus parader dans la cour, on a vu qu'il y en avait un plus doué que les autres. Il est resté costumé jusque dans la soirée, il a eu beaucoup de succès auprès de ses amis de la ruelle. La vie était belle.

Puis, sur ma rue, on m'a indiqué qu'une dame gardait des enfants chez elle. Madame Pelletier, grande, l'air méchant, voix rauque, logement à la décoration délirante, elle m'a fait bonne impression. Elle gardait déjà Léo dont la mère m'a dit du bien de sa gardienne. Léo et mon fils passaient des heures à jouer aux petites autos.  Et le reste du temps, Madame Pelletier  promenait les enfants dans le quartier. Bon, j'ai appris plus tard qu'elle mettait du 7UP dans le biberon de mon fils et qu'elle faisait des tours de machine avec les enfants dans le Buick de son amant. Je la croise encore avec plaisir dans le quartier, la vie commence a avoir raison d'elle.

Petite litho , crayon sur pierre, tirage de 12 sur papier Sommerset. Il y aura un ou deux autres passages , je veux mettre de la typo dans cette série des ogres, pour évoquer des planches du 19e un cabinet de curiosités, quelque chose du genre, à suivre...

On avait inscrit bébé dans une garderie en milieu familial. La dame nous avait avisé qu'elle aurait déménagé dans une maison voisine quand bébé commencerait à être gardé chez elle. Ça faisait dur, mal chauffé, ça sentait mauvais et  je me suis rendu compte qu'elle laissait les enfants seuls avec sa mère qui ne comprenait rien de ce que je disais. Et j'ai vu cette chaise brisée avec une vis qui pointait. C'était fini. Je me sens encore mal aujourd'hui  pour les quelques jours  que fiston, et d'autres enfants, ont passés dans cette maison. J'ai appelé la proprio, engueulades etc. La garderie a fermé quelques semaines plus tard. 

Sur la rue voisine, il y a une garderie avec de grandes fenêtres qui donnent directement sur le trottoir. Tôt le matin, il y a ce petit garçon qui joue, seul.  Dans un coin il y a une éducatrice qui le surveille.

Le dépanneur au coin de ma rue est tenu par des familles chinoises qui  le cèdent après 4-5 ans à une nouvelle famille arrivée depuis peu. Des gens charmants et courageux, ils doivent maîtriser en 24h toutes les loteries qu'ils vendent à des client plutôt nerveux. Mais il y eu un échec troublant, j'ai assisté en un mois à la déchéance psychique de ce monsieur qui à fini par hurler a répétition à son reflet dans la vitre du frigo. Puis ils sont disparus, remplacés par une famille toute jeune.  PS ( Dutrisac me donne la nausée.)

Aaaaah beaucoup plus sortable avec du foin!

Si j'étais   riche ( très), est-ce que j'aurais meilleur goût ou c'est mon mauvais goût qui me condamne? Question profonde à mon réveil...

Puis en kickant le glaçon devant elle sur la petite rue Groll, il s'est immobilisé entre les mégots de cigarettes. Ma petite fille a eu un moment d'hésitation avant de lui redonner un coup de pied. Elle est moins sensible  à la poésie du rien que son grand-papa artiste, mais j'ai abondé dans son sens, c'était dégoûtant.

J'ai reconduit ma petite-fille à la maternelle ce matin. Encore une fois elle a choisi un morceau de glace et l'a kické jusqu'à l'école, en changeant de rues, de trottoirs et en déjouant les détritus qui apparaissent quand la neige fond. Je suis un homme heureux au coin de la rue Groll.